(Agence de presse panafricaine)-Le Dr Yonnelle Déa MOUKOUMBI, Sélectionneur senior riz et Expert international en technologie semencière, Chargée de recherches CAMES, Responsable du Programme National de Sélection et d’Amélioration Variétale – Production de Semences (PNSAV-PS), nous a accordé une fois de plus un entretien pour parler de l’impact de la loi fixant la politique semencière au Gabon ; du PNSAV-PS; des projets de développement des variétés de riz à haut rendement adaptées aux conditions de culture du Gabon et la production de semences initiales des variétés de riz dont elle est l’initiatrice. Femme instruite et dynamique habitée par l’esprit de réussite ,se bat depuis bientôt cinq ans pour la mise en place d’une filière semencière structurée au pays à travers les activités de recherche-développement conduites par le PNSAV-PS. Incomprise depuis plus de 5 ans, la promulgation et la publication au journal officiel de la loi 014/2021 fixant la politique semenciere en République Gabonaise redonne un réel espoir au Dr Moukoumbi qui ne s’est jamais découragée et a toujours gardé la foi de voir la persévérance de son combat, celui de contribuer efficacement au développement de l’agriculture dans son pays
(App) Agence de Presse Panafricaine : Qu’est-ce que la Sélection et Amélioration des plantes ?
(Dr Yonnelle) : C’est l’ensemble des méthodes et des techniques destinées à la création de variétés, plus productives, mieux adaptées au milieu de culture et de meilleure qualité. Elle repose sur la diversité génétique des ressources disponiblesQu’est-ce qu’une variété ? C’est l’ensemble de sujets cultivés qui se distinguent par des caractères (morphologiques, physiologiques, cytologiques, chimiques, etc.) significatifs pour l’agriculture, la sylviculture ou l’horticultureQu’est-ce que la semence ?C’est tout matériel végétal destiné à la reproduction sexuée ou asexuée provenant d’une multiplication à l’identique de graines, de parties de plants : de plants, d’une variété ou d’un cultivar, ou d’un clone d’une espèce donnée
APP: Qu’est-ce qu’une semence de qualité ?
(Dr Yonnelle) : C’est une semence produite à partir d’une variété homologuée et inscrite au Catalogue National des variétés qui a été produite suivant les normes de production de semences. C’est une semence pure, génétiquement et physiquement, indemne de maladies, avec une teneur en eau acceptable et un taux de germination satisfaisant. Elle contribue pour plus de 40% à l’augmentation du rendement des cultures.La semence de qualité est une semence certifiée qui découle d’un processus clairement défini. En effet, elle débute avec la semence souche puis production de semences initiales (prébase et base) sous le contrôle du service National de la Semence par l’Institut de recherche qui en assure la maintenance variétale. C’est à partir de la semence de base que les acteurs non institutionnels (acteurs privés) vont produire des semences commerciales suivant les normes d’inspections au champ et d’assurance qualité qui confèrent le quitus de semence certifiée
(APP) :  Qu’est-ce qu’un semencier ? 
(Dr Yonnelle) : Un semencier est un professionnel de la semence qui a pour activité la sélection, la production et la distribution de semences certifiées aux utilisateurs ou aux bénéficiaires. Ce sont généralement des associations (ex. Agrimultiplicateurs), des PME, des grands groupes internationaux (ex. Etablissements semenciers). Elles constituent la composante des acteurs non institutionnels de la filière semencière et sont de tailles très variables depuis.Question 2 : Pour le Gabon, quelle est la politique mise en œuvre pour promouvoir ce secteur ?Au niveau du Gabon, le gouvernement à travers le Ministère en charge de l’Agriculture a fait voter la loi N° 014/2021 du 11 Août 2021 fixant la politique semencière végétale en République Gabonaise. Cette loi est un instrument juridique fondamental pour encadrer le sous-secteur semencier utile au développement de l’agriculture dans le pays.Quelles sont les avancées ? Les projets de décrets ont été élaborés par les Experts de l’ensemble des Ministères Techniques sous l’orientation du Ministère en charge de l’agriculture, notamment pour la mise en place des organes réglementaires tels que le Fonds semencier, le Conseil National de la Semence ; Le Comité Technique d’Admission au Catalogue National des variétés ; la Commission des Normes ; etc. Néanmoins, il est important de signaler que les arrêtés pour les mesures d’application par rapport à l’élaboration des guides techniques pour la production, le contrôle et la certification des semences de prébase, base et commerciales (R1 et R2) par le Service National de la Semence interviendront plus tard suivant la démarche en cours.

(APP) : Nous avons remarqué que les travaux en cours au niveau du Programme National de Sélection et Amélioration Variétale – Production de Semences (PNSAV-PS), programme spécialisé de recherche de l’IRAF/CENAREST s’intéresse exclusivement à la semence des variétés de riz, pourquoi cette fixation ?

(Dr Yonnelle):  Comme vous l’avez mentionné, le PNSAV-PS est un nouveau programme de recherche spécialisé de l’IRAF (2018), qui est né d’un constat de l’absence de matériel végétal développé ou introduit par la Recherche Scientifique, depuis la création de l’IRAF en 1976, pour accompagner le Ministère en charge de l’Agriculture dans le développement du secteur agricole de notre pays. Le PNSAV-PS a donc été mis en place pour suppléer à ce manque et pour assurer la production et la mise à disposition de la semence de qualité des variétés améliorées et adaptées aux conditions du milieu des cultures céréalières, vivrières et industrielles cultivées localement. Le PNSAV-PS a débuté ses travaux sur le riz compte tenu de l’importance que le riz occupe aujourd’hui dans les ménages quelque que soit la classe sociale considérée. Le riz est devenu progressivement l’aliment de base de la population gabonaise et sa culture est quasi-inexistante. Près de 90 000 tonnes/an sont importés pour couvrir les besoins alimentaires pour un coût global avoisinant 10 milliards de FCFA (Anonyme).Par ailleurs, l’appui financier et technique des organismes internationaux tels que KAFACI « Korean and Africa Food and Agriculture Cooperation Initiative (organisme intergouvernemental sud-coréen), l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) et le Centre du riz pour l’Afrique ont permis de développer des lignées à haut rendement et d’introduire une diversité de matériel végétal évaluée dans les conditions de culture de l’Estuaire depuis 2018.
 (APP) : Quelle est l’impact de la loi fixant la politique semencière sur le développement de l’agriculture gabonaise en générale et en particulier sur l’agriculteur lambda ? 
 Comment allez-vous intéresser l’agriculteur gabonais à utiliser la semence certifiée ? 
Dr Yonnelle: Dans un premier temps, il faut mettre en place la filière semencière et la rendre opérationnelle pour l’ensemble des cultures. Cette activité impose au préalable des acquis importants par le Ministère en charge de l’Agriculture qui est le garant pour sécuriser la production agricole gabonaise.En effet, le laboratoire de semences au niveau de Libreville et des laboratoires au niveau provincial pour conduire les inspections au champ et le contrôle qualité de la semence des semences de initiales et commerciales. L’assurance qualité de semence va être effectuée chez les agrimultiplicateurs/établissements semenciers agréés qui vont produire la semence commerciale à partir des variétés homologuées et adaptées dans les conditions de culture du Gabon ou chez les commerçants qui vendent des semences importées (ex. semences hybrides). Cela va contribuer au niveau des frontières par exemple d’assurer la prévention des insectes nuisibles de quarantaines. L’élaboration du Plan Semencier National qui va impliquer tous les acteurs du sous-secteur pour répondre aux besoins des acteurs de la chaine de valeur des principales cultures. Un programme de production de semence sera mis en place entre le Ministère en charge de l’agriculture et les programmes de recherche spécialisée de l’IRAF notamment le PNSAV-PS, PPV-GP, … du Ministère de la recherche scientifique pour disponibiliser la semence de qualité des semences certifiées des variétés pour les différentes spéculations. La sensibilisation en utilisant les collectivités locales par exemple et la vulgarisation à travers les essais de PVS en milieu rural, les parcelles de démonstrations, la mise en place des champs écoles paysans, etc … à réaliser conjointement par les services ou unités techniques du Ministère en charge de l’Agriculture et tous les autres ministères techniques associés. Ainsi, les résultats seront effectifs et l’impact sur l’agriculture gabonaise perceptible.Enfin, le renforcement des capacités (sélectionneurs, les agents de contrôles aux inspections de cultures au champ, des agents de laboratoires aux analyses et tests d’assurance qualité de semences ; des agents de contrôle phytosanitaire ; …Le fonctionnement du sous-secteur semencier dont l’objectif est d’assurer l’approvisionnement en continu des agriculteurs en semence de qualité (semences certifiées) accessibles et à prix raisonnable tout en créant les meilleures conditions d’usage sera utile pour TOUS.
Entretien Avec Dr Yonnelle Déa MOUKOUMBI
Dr Yonnelle Déa MOUKOUMBI ici sur le terrain
 (APP) : Au Plan national, quels sont les organismes qui accompagnent le projet riz ?
(Dr Yonnelle) : Le PNSAV-PS a été mis en place depuis 2018, nous avons obtenu en 2019 le financement du gouvernement à travers le Ministère de la Recherche scientifique qui a permis d’ouvrir le site d’expérimentation de Kougouleu (environ 5 ha), offert au programme par le Ministère en charge de l’Agriculture ; d’acquérir de moyens roulants et de conduire des activités de recherche sur le terrain pendant deux campagnes de culture (1 an).En 2020, nous avons été sélectionnés au programme de financement OKOUME du CENAREST/Ministère de la Recherche Scientifique avec le projet riz pour mettre en place un système semencier formel.
(APP) : Etes-vous satisfaites de l’évolution du projet riz pour le pays ?
(Dr Yonnelle) : Globalement, nous le sommes car il a permis de mettre en place un programme de développement de variétés à haut rendement de riz adaptées aux conditions de culture de l’Estuaire à travers de essais préliminaires de rendement, d’effectuer une saison de culture de l’examen de Distinction, d’Homogénéité et de Stabilité (DHS) comme le recommande l’UPOV (Union internationale pour la protection des obtentions végétales) pour la demande d’homologation et d’inscription au Catalogue national/régional des variétés. D’autre part, nous avons pu mettre en place d’un programme de production de semences à court terme à partir des variétés de riz développées par l’ISRA (Institut sénégalais de Recherche Agricole) homologuées introduites et adaptées aux conditions de culture de l’Estuaire. Enfin, dans le cadre du renforcement des capacités au niveau sous régional, régional et international (GEVES, UPOV, Japon, Cameroun Sénégal, …) des Assistants de Recherche du PNSAV-PS ont pu être formés sur les thématiques telles que les activités post-récoltes, les croisements, la collecte et gestion des données, analyse statistique, …
(APP) : Quelles sont les difficultés rencontrées ?
(Dr Yonnelle):  Les difficultés sont diverses et énormes. On note : Absence de financement des activités de recherche par la tutelle en dehors des financements internationaux compétitifs (KAFACI et JICA) qui permettent de conduire des activités spécifiques pour une période donnée ; assurer la maintenance des moyens roulants, des équipements agricoles existants, assurance maladie, …- Absence d’infrastructures telles que banque de semence, une salle de stockage et de conservation des récoltes, une serre d’acclimatation, bloc de croisements, laboratoires de sélection et d’amélioration des plantes et de qualité de grain, …-Absence d’équipements et matériels agricoles : motoculteur et attelages pour la préparation du sol, motopompe et accessoires pour l’irrigation des casiers ; une mini rizerie pour le traitement du paddy ; …-Absence de l’aménagement complet du site d’expérimentation rizicole ;-Equipe très jeune d’Ingénieurs Agronomes dynamiques et passionnés sans soutien financier réel de la tutelle, …
(APP) : Merci

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Dr Yonnelle) :C’est moi qui vous remercie pour l’intérêt que vous accordez à ma modeste personne et à notre programme.

Entretien mené par Ulrich Corso SIMA ELLA , correspondant (App) Gabon 

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