mo ibrahim
Mo Ibrahim fondateur

(Agence de presse panafricaine) -Pour Mo Ibrahim, fondateur et président de la fondation éponyme, les dirigeants africains doivent saisir l’occasion de la période de relance post-pandémie pour définir et porter un nouveau modèle de croissance pour le continent en se fondant sur la créativité de leur jeunesse.

 

 

 

Le Rapport du Forum Ibrahim 2021 démontre notamment que l’impact de la pandémie sur le continent africain a été particulièrement sévère sur les plans économique et social, que cette crise a mis en exergue les vulnérabilités structurelles des systèmes sanitaires et du modèle de croissance économique du continent, et qu’il faut donc saisir l’opportunité de reconstruire sur les bases d’un modèle rénové. L’impact de la pandémie a en effet mis en évidence la crise sous-jacente profonde des systèmes de santé africains, due à un manque crucial d’engagement politique et budgétaire de la part des gouvernements africains. Par ailleurs, les jeunes et les femmes ont été les plus durement touchés, et les reculs enregistrés en matière d’éducation et de perspectives d’emploi aggravent les défis existants, au risque de créer de nouvelles sources d’instabilité. Enfin, le choc économique provoqué par la pandémie a mis en évidence les fragilités structurelles des économies africaines, trop souvent excessivement dépendantes de l’extérieur, tant en termes d’offre que de demande. Cependant, il reste convaincu de ce que toute crise présente une opportunité de changement. L’Afrique peut définir et concentrer ses efforts sur une reprise post- COVID-19 durable, à condition de renforcer l’intégration du continent, de mettre la jeunesse au cœur de la relance et de renforcer la bonne gouvernance. Cette crise mondiale est l’occasion ou jamais de construire une Afrique plus forte, plus rassemblée, plus autonome et plus autosuffisante.

 

 

Il est à cet égard extrêmement encourageant de constater combien les dirigeants des institutions continentales, notamment l’Union africaine (UA) et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), ont réagi de manière rapide et coordonnée à la pandémie. Dans cette optique, les pays dotés d’une monnaie stable, d’une banque centrale forte, d’une marge de manœuvre budgétaire conséquente et de chaînes d’approvisionnement domestiques sont certainement mieux préparés à gérer le risque d’inflation. L’Afrique du Sud et le Maroc sont probablement de bons exemples. Toutefois, c’est là un sujet de préoccupation, la plupart des pays africains demeurent excessivement dépendants des importations, ce qui rend l’inflation probable lorsque leur devise perd de sa valeur. Presque toutes les monnaies africaines non ancrées au dollar se sont dévaluées par rapport au dollar en 2020, tandis que de nombreux pays ont vu les prix des produits alimentaires et de l’énergie augmenter. À l’avenir, la capacité de remplacer les principales importations par des biens produits localement pourrait atténuer l’impact inflationniste des dépréciations monétaires, tout en améliorant la sécurité alimentaire et énergétique du continent. L’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africain (ZLECAf) est essentiel pour mettre en place les chaînes d’approvisionnement locales et régionales nécessaires. La faible capacité fiscale est un autre problème qui a eu un impact à double tranchant pendant la pandémie.

 

 

Le Nigeria, par exemple, dont la marge de manœuvre fiscale est limitée, a été amené à faire marcher la planche à billets pour financer sa réponse à la pandémie, tout en s’évertuant à récupérer des fonds par le biais de taxes supplémentaires. Si l’on ajoute à cela la perturbation des circuits d’approvisionnement, cela signifie qu’il y a plus d’argent pour moins de biens, ce qui alimente l’inflation. Il pourrait s’avérer plus difficile pour un pays comme le Nigeria de maîtriser la spirale inflationniste sans accroître sa capacité fiscale. A titre d’illustration, en 2018, l’Afrique subsaharienne a consacré en moyenne 1,9 % de son PIB à la santé publique, soit bien moins que la moyenne mondiale de 5,9 %. Cette même année, aucun pays africain n’a respecté l’engagement pris en 2001 lors du sommet de l’UA d’Abuja d’allouer au moins 15 % de son budget à la santé. Les gouvernements africains sont restés excessivement dépendants de donateurs extérieurs – multilatéraux, bilatéraux, philanthropiques – lorsqu’il s’agit de la santé de leur propre population. Les succès obtenus, principalement grâce à ces aides, dans des indicateurs spécifiques liés aux précédents Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), comme la vaccination contre la tuberculose ou la mortalité infantile, ont occulté la nécessité de se concentrer sur les capacités sanitaires locales et les soins de santé primaires pour tous. En conséquence, les dépenses de santé à la charge des patients en Afrique subsaharienne s’élevaient, en 2018, à 33,3 % en moyenne des dépenses courantes de santé, contre 18,1 % en moyenne mondiale.

 

Fort de ce qui précède, les gouvernements africains doivent de toute urgence donner la priorité à la santé. L’engagement d’Abuja doit être tenu dans les plus brefs délais. Il s’agit d’une urgence vitale. Il n’y aura pas de redressement économique sans redressement sanitaire préalable. Pour y parvenir, il est essentiel d’augmenter les capacités fiscales. Comme l’a souligné le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, lors du Forum Ibrahim 2021, la priorité est d’investir massivement dans la couverture sanitaire universelle (CSU) pour tous nos concitoyens. C’est essentiel si l’on veut aborder convenablement les prochaines pandémies.

 

 

Par Endy Pascale Ngueng pour (App)

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