Il est l’international camerounais de cécifoot  basé en France où il jouit ‘une réputation énorme. Mais malheureusement très peu ou mal connu dans son pays. On l’a rencontré et à cœur joie il a répondu à toutes nos préoccupations.:.

Parlez nous de vous et de votre carrière sportive, et surtout du cécifoot

Je suis âgé de 26 ans, non voyant, né prématuré le 28 avril 1993 à Douala au Cameroun. La lumière, l’oxygène et la poussière ont abîmé nos yeux, mon frère jumeau et moi, à la naissance, parce que nous n’avons pas été protégés. Nous avons porté des lunettes pendant toute notre enfance, avant de perdre la vue à l’âge de 10 ans. J’ai été atteint de ce qu’on appelle la rétinopathie des prématurés. La rétine est la première partie de l’œil qui permet de voir, et c’est quelque chose de très délicat. Mes parents ayant un peu de moyens, m’ont amené en Europe pour me faire opérer. Malheureusement, ça n’a pas fonctionné. Les spécialistes ont essayé en vain de recoller la rétine, malheureusement elle n’a pas tenu. 

Aveugle, j’ai intégré une école spécialisée pour mal et non voyant à Paris. C’est dans cette école que j’ai découvert mon handicap, et j’ai compris qu’on pouvait être non voyant et aller de l’avant, ne pas baisser les bras, être opportuniste et confiant. J’ai appris à lire en braille, à me déplacer avec une canne. J’ai appris à être autonome. C’est comme ça que je me suis forgé une personnalité. J’ai su me familiariser avec mon handicap, et j’en ai fais un ami. Dans cette école de Paris, j’ai également appris l’existence du sport adapté pour les personnes de déficience visuelle, mal ou non voyantes. Notamment la pratique du Cécifoot. 

Le Cécifoot, c’est le sport à cinq qui se joue sur un petit terrain, dimension handball, 40m de long sur 20m de large, avec de petits bouts de dimensions handball.

Quelles sont les règles ?

Comme je l’ai dit plus haut, c’est du foot à cinq. Le gardien de but est voyant, et quatre joueurs de champs ont tous des bandeaux sur les yeux qui permettent de préserver l’équité entre les joueurs. Ensuite le terrain est divisé en trois zones. Le gardien et ses buts, le coach, et le milieu de terrain sur le côté. Le coach ne parle qu’aux joueurs qui sont sur la zone du milieu, et derrière le but adverse il y a un guide qui voit. Quant il parle, les attaquants parviennent à déterminer où est le but. Moi je suis à l’attaque, si le guide me dit, Yvan, tu es à 12m, tu es à 13m, il y a un défenseur devant toi, je comprends vite et je joue. C’est un sport dans lequel, comme on ne voit pas, on se parle beaucoup. La communication est hyper importante sur le terrain, il faut savoir où sont les uns, les autres. Le j’ai (quand j’ai la bale), le perdu, le passé, (quand on a dribblé). Les clochettes permettent de savoir où il y a le ballon, et le grelot (lorsqu’il roule). On l’entend lorsqu’il est en mouvement sur le terrain. C’est un ballon qui est plus petit qu’un ballon de foot classique, il est un peu plus dur.

Le Cécifoot en terme de timing sur le terrain, c’est du deux fois 25 minutes. Un match dure 50 minutes, il y a deux arbitres voyants, dont un sur chaque moitié du terrain, le penalty se joue à 6m. Bon à savoir, le Ccécifoot ne connait pas de hors jeu.

J’aimerais que vous nous parliez du championnat dans lequel vous évoluez

En France, il y a un championnat national qui est composé de 10 équipes, dont trois en région parisienne. Il y a une coupe de France, une coupe d’Europe et une coupe du monde, et moi je joue au club de Salut Mandé, et à l’équipe nationale de France depuis plusieurs années. Le Cécifoot est un sport qui est intégré aux paralympiques. C’est une compétition qui a lieu juste après les jeux olympiques. Et dans cette compétition, il y a tous les sports adaptés aux personnes en situation d’un handicap.

Depuis combien de temps pratiquez-vous cette discipline ?

Je joue au Cécifoot depuis la saison 2009, et je joue en équipe de France depuis 2010. Avec l’équipe de France, on a remporté l’Euro 2011, en Turquie. Médaillé d’argent en 2012 à Londres. En France, tout athlète ayant remporté une médaille en bronze, argent ou or, lors des jeux olympiques ou paralympiques, est décoré par le président de la République. On a été décoré en 2012 par le président François Hollande, après notre sacre.

Nous sommes en 2019, quelle est votre actualité sportive ?

Nous préparons l’Euro qui aura lieu en septembre à Rome en Italie avec 16 équipes, et les trois premières seront directement qualifiées pour les jeux paralympiques de Tokyo en 2020.

Comment préparez-vous l’Euro, et probablement les JP?

En prélude à cette compétition de septembre, nous avons au mois de mai, un tournoi amical en Russie, un second en juillet à Madrid. Ensuite avec mon club AS Salut Mandé, j’ai un tournoi en Colombie au mois d’août.

Comment Yvan Wouandji, gère- t-il son temps hors des stades ?

J’interviens beaucoup dans les entreprises, les écoles et les médias où je sensibilise les personnes déficientes et leurs familles. Je vais dans ces institutions faire comprendre aux gens, que notre handicap ne doit pas être un facteur d’excuse, bien au contraire. Je fais des sensibilisations pour démontrer à tous qu’on est peut-être non voyant, mais on peut faire pleines de choses. Le message que j’essaie de faire passer est qu’on peut être à égalité, il suffit de le vouloir.

Célèbre en France et dans le monde entier à travers votre discipline sportive qu’est le cécifoot, malheureusement peu ou pas du tout connu dans votre pays d’origine le Cameroun où vous êtes né. Qu’est-ce qui justifie cela selon vous ?

Je ne suis pas assez connu au Cameroun, parce que je suis parti du pays très tôt, à l’âge de 10 ans, et je ne viens pas très souvent à cause de mon calendrier sportif. Mes frères et sœurs, viennent assez souvent, en juin, juillet, août. Malheureusement en cette période, j’ai des tournois avec l’équipe de France.

L’autre raison, non négligeable est la non connaissance du Cécifoot. Ne maîtrisant pas déjà cette variante du football, c’est compliqué de connaître les acteurs. Mais je pense que cet effet boule de neige, ce bouche à oreille prendra forme, encore plus, quand des personnes comme vous prennent du temps pour venir à ma rencontre. Ça c’est important et c’est fondamental, ça fait plus d’une heure qu’on discute, et je sens que ça vous intéresse. Et c’est vous derrière qui ferez la communication d’Yvan Wouandji et du Cécifoot.

J’aimerais vous faire dire quelques mots sur les lions indomptables. Comment avez-vous vécu leur qualification à la coupe d’Afrique des nations 2019, en Egypte ?

J’étais très heureux, parce que pour la première fois je suis sur le territoire camerounais, lorsque l’équipe nationale joue. Évidemment que j’aurai aimé assister au match, cela aurait été un bonus vraiment immense. Malheureusement, je n’ai pas pu. J’ai tout de même suivi tout le match à la télévision, et mon cœur battait, mais je ne me faisais pas trop de doutes, parce qu’en tant que passionné du football, je connais à peu près les grandes lignes des équipes internationales.

Je savais que le Comores n’est pas forcément un grand foudre de guerre, même s’il est vrai que, tant que le coup de sifflet final n’est pas donné, il faut se méfier de l’adversaire. 3-0, j’étais hyper content, et j’espère qu’on ira à cette compétition donner le meilleur de nous même. Nous avons des joueurs à fort potentiel, malheureusement ce potentiel est mal exploité.

Un dernier mot

Oui. Je suis ambassadeur des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nommé par l’administration française. C’est à ce titre que j’interviens dans les écoles spécialisées pour personnes handicapées et les entreprises en France. Je fais jouer des personnes voyantes avec les yeux bandés. Une manière de promouvoir ce sport qui est de plus en plus connu en France et dans le monde.

Entretien mené par Koko à Dang (CP)